Air France et Zoom échangent sur la visioconférence et l’aérien

Pendant la pandémie, les transports aériens pour les voyages d’affaires se sont retrouvés mis à l’arrêt. Le virtuel s’est installé dans le quotidien des entreprises et la visioconférence a fait des pas de géants dans le monde des affaires. Charlotte Nizieux, Marketing et porte-parole France chez Zoom, et Philippe Lacroute, commandant de bord, porte-parole de la Direction Générale des Opérations Aériennes d’Air France, partagent leur point de vue sur les tendances dans le monde du travail et ses effets sur les voyages d’affaires pour l’AECF.
Philippe Lacroute : « Quand il s’agit de voyages d’affaires, l’aérien est quasiment à l’arrêt depuis le début de la pandémie. J’ai vu passer un chiffre éloquent : entre janvier et avril de l’année 2020 — au moment des premiers confinements au niveau mondial —, le nombre de participants quotidiens de Zoom dans le monde, je dis bien quotidien, est passé de 10 millions à 300 millions. Et il semblerait que ce chiffre soit toujours en croissance. Alors, oui, les compagnies aériennes se posent légitimement la question de l’avenir des voyages d’affaires et de la clientèle “business” ? »
Charlotte Nizieux : « C’est certain que pendant la pandémie, les outils de communication qui ont facilité les échanges alors que les restrictions sanitaires battaient leur plein ont vu leur utilisation accélérer. Chez Zoom, nous avons contribué activement au maintien d’activités commerciales et permis aux gens de continuer à travailler alors qu’ils étaient cloués au sol et dans l’impossibilité de se voir. Une étude réalisée par le Boston Consulting Group pour Zoom montre que le travail à distance, en 2020, a permis de sauver 250 000 emplois en France et d’éviter une chute du PIB dans notre pays de 86 milliards de dollars. On voit aussi, et c’est là que la concurrence avec le transport aérien pourrait se situer, que 82 % des entreprises interrogées dans l’Hexagone prévoient désormais que les solutions de visioconférence resteront dans un avenir proche essentielles pour leurs activités professionnelles. »
Philippe Lacroute : « Oui, presque tout le monde a désormais goûté à la visio-communication avec plus ou moins de bonheur d’ailleurs. Les chiffres parlent pour eux-mêmes. Dans l’étude que vous mentionnez, il est également précisé qu’en France, la part d’employés ayant recours aux solutions de visioconférence est passée de 20% en 2019 à 60% en 2020 dans les PME et ETI et de 20% à presque 70% dans les grandes entreprises. La bonne nouvelle pour l’aérien est que d’après nos clients “frequent flyers” qui prenaient l’avion pour “affaire” — nous avons maintenu un contact étroit avec eux —, certains voyages sont irremplaçables : une négociation, une prospection, une séance de brainstorming, la signature d’un contrat… C’est à l’occasion de ces interactions périphériques que se nouent les contacts à l’origine des réussites à venir. Cela se passe dans les couloirs, autour d’un café ou dans les dîners… voire comme nous le rappelle trivialement une citation injustement attribuée à Rockefeller : “C’est avec son voisin de pissotière que se font les empires” ; Mais ça c’était au 19ème siècle ! »
Charlotte Nizieux : « Clairement, Zoom ne se définit absolument pas comme un concurrent du transport aérien (ou de tout autre secteur d’ailleurs) et des rencontres et interactions présentielles car nous savons que rien ne remplace le contact humain. Je dirais plutôt que nous croyons en la notion de complémentarité – une complémentarité qui implique de revoir à court terme certains modèles et de se poser de bonnes questions. Tous les sujets ne nécessitent pas un déplacement ou une rencontre autour d’une table. Notre rôle, tel que nous l’entendons, est de contribuer à assurer et à faciliter la continuité du business de façon pertinente et utile. C’est pour cela que nous sommes reconnus aujourd’hui comme une plateforme de communication intégrée qui va bien au-delà de la visio. »
Philippe Lacroute : « On note aussi une volonté commune chez les décideurs et les voyageurs d’affaires pour limiter les déplacements non-essentiels et optimiser la gestion des voyages considérés comme indispensables. Plusieurs études telles que celles de Greenpeace et de la Chaire Pégase montrent que les voyageurs d’affaires demandent désormais plus de transparence pour effectuer des voyages plus éco-responsables, plus durables afin d’assurer la pérennité du voyage d’affaires. Les compagnies dont en premier lieu Air France réfléchissent à de nombreuses évolutions pour satisfaire les attentes des clients professionnels. »
Charlotte Nizieux : « Quand on se tourne vers le monde “d’après pandémie”, on peut s’attendre à ce que l’univers du travail évolue vers des modes de fonctionnement hybrides. Ce phénomène devrait s’articuler autour d’un mélange de rendez-vous physiques et de réunions virtuelles. En ce qui concerne les voyages d’affaires, la question à se poser désormais devrait-être : pourquoi préférer voyager plutôt que d’utiliser la visioconférence ? À mon sens, les compagnies aériennes pourraient saisir l’opportunité de ces évolutions. Par exemple, en tant que cliente de compagnies aériennes, j’ai pu observer l’évolution des classes affaires. Si les sièges et le confort se sont grandement améliorés, les services se sont quant à eux simplifiés, disons ! Idem pour le développement ces quinze dernières années des classes intermédiaires, dites Premium. Elles ont permis de cibler le middle-high management. Bref, il semblerait que si on voyage moins à l’avenir, on cherchera à voyager mieux. Avec plus et de nouveaux services… Et on voyagera pour de bonnes raisons. L’aérien a une vraie carte à jouer. »
Philippe Lacroute : « C’est justement ce “mieux” que nous nous attachons à définir. Et puisque nous sommes d’accord sur le fait que rien ne remplace une rencontre en présentiel, ce qui accompagne la rencontre en termes de relations sociales est essentiel. Plutôt que de mettre en opposition l’avion et la vidéo-communication, accompagnons leur cohabitation intelligente. Beaucoup reste à expérimenter et à inventer. Le sujet est passionnant. »
Charlotte Nizieux : « Cette période de pandémie que nous traversons a forcé tous les secteurs, y compris le secteur aérien, à s’adapter et à évoluer. Je reste convaincue que notre besoin de rencontres va continuer à prédominer. On sera plus sélectifs sur le type d’interactions. Ceci laisse donc la place aux déplacements professionnels autant qu’aux réunions virtuelles.”